Danses wodaabe

danses wodaabe

DANSES WODAABE FESTIVES

Les réunions de la Cure salée constituent pour les Wodaabé l’une des principales occasions de danses. Ces cérémonies constituent un fait social dont le rôle est tout à la fois identitaire, politique, initiatique, religieux, esthétique.

Elles sont aussi et surtout le lieu d’une expérience entièrement vouée à la création d’une esthétique collective. Lors de ces cérémonies, la société déploie une énergie pour se rassembler de façon rituelle autour d’un processus créatif commun.

C’est dans le partage de cette expérience artistique collective que les Wodaabe redéfinissent chaque année les contours de leur organisation sociopolitique. Ils tissent, de façon collective et individuelle, le « lien » qui les unit : le lien entre nomades. Les Wodaabe désignent métaphoriquement ce lien par la corde de bât (gashshungol) avec laquelle ils attachent leurs bagages pour se déplacer.

Les jeunes gens, sont les principaux acteurs de la performance. Il s’agit pour eux d’une véritable inscription de l’identité collective dans le corps des individus. La performance artistique est vécue comme une forme de rite de marquage culturel.

Le chant et la danse fonctionnent comme des marqueurs identitaires. Les wodaabe qualifient leurs chants, littéralement, de « chants de marque » (jeldugol).

Les cérémonies Ngaanyka ou dad’d’o

La danse geerewol ne peut être effectuée qu’au cours d’une cérémonie précise, la Ngaanyka ou dad’d’o. Ces deux termes désignent la cérémonie inter lignagère au cours de laquelle est dansée le célèbre geerewol. Quant à daďďo, c’est d’abord tout lieu socialisé où se réunissent des catégories particulières de personnes. Daďďo désigne les deux esplanades où sont dansées le geerewol et, par extension, la cérémonie caractérisée par cette danse.

S’il fallait résumer en quelques mots l’enjeu des rassemblements cérémoniels du dad’d’o Ngaanyka c’est donc dans cet espace-temps de sept jours et sept nuits exclusivement dédié au chant et à la danse que se modèle et se reconstruit, d’une année sur l’autre, l’ensemble du tissu social, et que la jeune génération fait l’apprentissage de « l’art et la manière d’être Wodaabe ».

Le reste de l’année, Les Wodaabé vivent totalement dispersés, repliés sur leur campement, leur famille et leur troupeau. Pour beaucoup d’entre eux, il est d’ailleurs très clair que si les cérémonies de daďďo venaient à disparaitre, ce serait purement et simplement la fin des Wodaabe en tant qu’entité culturelle.

LA DANSE COMME EXPRESSION ESTHETIQUE

Danses wodaabe pendant la cure salée

Dans la ruumi, les jeunes gens sont en cercle et tournent pas à pas vers la droite en frappant des mains et en chantant. Dans la yaake, ils sont alignés, et soulèvent lentement leurs talons, lèvent leurs bras et réalisent différentes expressions du visage.

Ce qui faitt apparaître le blanc des dents et des yeux. La geerewol oppose durant sept jours, deux lignages adverses dans le chant et la danse. L’enjeu est en fin de compte de se séparer pacifiquement en se reconnaissant une culture mutuelle.

La stratégie des nomades est de ritualiser le conflit pour mieux préserver la paix. Cela contribue à l’unité du groupe et des lignages.

Geerewol, la paix

La chorégraphie suit la course du soleil. L’élection du meilleur danseur par une femme du lignage adverse est la réactualisation théâtrale du mythe d’origine. La beauté archétypale des jeunes élus est celle du couple fondateur.

Il ne s’agit pas d’ un simple concours de beauté, la geerewol est une danse, au cours de laquelle les ancêtres viennent s’incarner dans le corps des vivants pour mieux consacrer la continuité de l’identité collective.

Centrée sur le chant et la danse, la gereewol est un système de représentation du monde qui fut sans doute caractéristique de l’ensemble du monde peul avant son islamisation.

DANSE ET UNIVERS

Danser pour le soleil

Le gerewol constitue une endurance physique pour les hommes, tant par l’effort fourni durant les danses que par une prise de nourriture restreinte en conformité aux règles de la pulaaku.

Lors de la danse, les hommes Wodaabe jouent sur l’ouverture et la fermeture de leurs yeux, car c’est en conférant une expressivité au regard que la séduction s’opère. Lors de cette cérémonie, deux lignages s’affrontent selon une logique de compétition égalitaire : chaque groupe d’hommes est jugé par les jeunes femmes du lignage opposé et vice et versa à tour de rôle.

Perpétuer la tradition

Cette cérémonie de la gereewol favorise la mobilité sociale, en accroissant la cohésion du groupe par le rapprochement de lignages de différents campements. Ce rituel wodaabe de séduction renouvelle ainsi un ordre social à travers la compétition et la danse comparées à une guerre rituelle.

Cette fête contribue à la fois à augmenter le prestige des hommes et à les intégrer dans la mémoire collective par l’obtention d’un statut particulier. La musique et la danse sont l’expression esthétique de différentes manières d’être ensemble dans cette société nomade.

LES DANSES WODAABE  : AFFIRMATION IDENTITAIRE

Les danses sont un lieu d’affirmation identitaire essentiel pour les WoDaaBe. Les danseurs offrent la représentation qu’ils se font d’eux-mêmes, une identité qui se centre chez eux sur la beauté physique (Lassibille 2004) et attire particulièrement le regard.

Pour les wodaabe, les danses affirme la présence de l’autre mais confirme la limite entre soi et autrui. Elles suscitent le regard nécessaire pour définir et affirmer l’identité du groupe.

La séduction constitue également un élément central de cérémonies rituelles des wodaabe. Ce rituel de séduction renouvelle ainsi un ordre social à travers la  la danse comparées à une guerre rituelle. Ces danses rituelles contribuent à augmenter le prestige des hommes et à les intégrer dans la mémoire collective par l’obtention d’un statut particulier.

DANSE ET MIGRATION

Depuis leur arrivée au Borno au 16e siècle, les groupes restés nomades ont connu de multiples mouvements migratoires face à des chefs tyranniques, des conflits, des crises écologiques. La plupart des wodaabe sont partis au 19e siècle vers Sokoto et plus loin vers le Kebbi. Nombre d’eux arrivèrent ensuite au Niger au début du 20e siècle, selon des parcours et des rythmes différents.

Or les danses ne sont pas restées en marge de ces migrations. Elles ont connu des transformations au gré des lieux traversés et des groupes avec lesquels les Peuls nomades ont eu d’inévitables contacts. Le répertoire des danses suit donc les migrations wodaabe. Il porte la trace des influences qu’ils rencontrent à l’image de la réalisation par certains lignages de pratiques dansées et rituelles d’autre groupes.

Cependant ces changements peuvent être analysés sous un autre angle que celui des influences culturelles. Si les wodaabe adaptent certaines pratiques, c’est aussi qu’ils ont et tendent à avoir des nouveaux partenaires de danse, nouveaux partenaires sociaux.

Chez les wodaabe pratiquer la danse avec un groupe est un critère d’affiliation avec lui. C’est un acte social et politique. Les alliances se sont réalisées à travers l’exécution de danses commune. Danser le geerewol dans un groupe définit l’appartenance politique à ce groupe.

Changer de partenaire de geerewol, c’est donc changer d’affiliation et de positionnement politique. Le geerewol est une danse où les positions lignagères sont nettement affirmées. Le geerewol se déroule lors d’une cérémonie inter lignagère appelé ngaanyka pendant lequel deux lignages se confrontent par la danse.