Environnement et pasteurs peuls

environnement et pasteurs peuls

Environnement et pasteurs peuls : préserver la nature

J’invoque le très puissant, dieu des bergers, l’universel,
Qui est ciel, mer, terre souveraine et feu immortel ;
Car ce sont ses membres. Viens, Bienheureux, toi le bondissant,
Ô voltigeant compagnon des Saisons !
Ami du divin délire, toi qui hantes les étoiles,
Et fais vibrer l’harmonie du cosmos dans ton chant joyeux.
Hymne, Recueil de Pergame

Le peul par son lien à la nature possède une vocation pastorale

La vocation pastorale des peuls est le marqueur de leur identité. Les épopées peules racontent la bravoure des bergers dans une brousse hostile et dangereuse.

La transformation volontaire de la nature et l’accumulation des biens sont exclues de la pensée pastorale au profit d’une relation directe et égalitaire avec la nature. Le respect envers la brousse est présenté comme la recherche d’une égalité sociale.

C’est ainsi que l’environnement est alors pressenti comme une notion qui dépasse l’espace visible, en particulier le paysage. Il comprend la perception d’autres éléments tels que l’espace foncier, socio économie, politique, qui interviennent dans la réalité des populations.

Les groupes peuls parviennent à maintenir une culture et un mode de vie, à les transmettre aux générations suivantes. Leur mode de vie, est le rapport d’une population à l’environnement naturel et physique.

Les sociétés sahéliennes sont soumises à un défi spécialement critique du fait de la crise environnementale majeure qui frappe cette région depuis le milieu des années soixante. La confrontation à l’aléa, à l’accident qui est au cœur du mode de vie et de la culture peule est très rudement mise à l’épreuve dans les circonstances actuelles.

Pasteurs peuls et écologie : il faut conserver ce savoir endogène séculaire

On connait les peuls pour leur perception très fine de leur environnement. En effet, leur mode de vie axé sur le pastoralisme appréhende le milieu environnant non pas dans sa totalité mais dans son aspect axé sur le cheptel.

Ce lien avec la nature détermine les rapports établis avec le milieu. Il est nécessaire d’avoir une  perception spatiale mais aussi temporelle dans des régions marquées par de brusques changements de température.

Actuellement, la perception environnementale des peuls tend à se fragiliser compte tenu de la déstabilisation et de la dégradation du milieu naturel et de leur style de vie qui en est associé.

Le bâton du berger peul a une symbolique liée à l’environnement

Le bâton du berger peul symbolise le rapport de l’homme peul à son environnement, car dans la plus grande précarité, ce bâton reste l’élément ou son outil essentiel.

Ce bâton a pour fonction de guider les troupeaux de bœufs. Il est transmis au petit garçon dès qu’il est en âge de garder le bétail. Bâton et bétail sont indissociables dans la vie matérielle et symbolique des pasteurs peuls.

Lorsque le bâton est brandi pour guider le bétail, il représente la réussite de l’éleveur, dont l’idéal serait d’avoir un troupeau. Ce bâton de berger représente la force que doit avoir tout homme peul. Cette force s’édifie en fonction de sa capacité à gérer son troupeau.

Les migrations peules : pourquoi les peuls migrent-ils ?

Dans les sociétés peules, des migrations de toutes dimensions jouent traditionnellement un rôle très important. Elles sont le résultat d’un processus complexe de prise de décision.

Un élément central dans ce processus est l’environnement. S’il y a un environnement ou une culture peule homogène, il n’y a cependant pas de conception peule de l’environnement.

Leur conception est modifiée lors de chaque intégration dans un nouvel environnement. Migrer signifie se rendre dans un nouvel environnement, où les concepts existants doivent par conséquent être adaptés aux nouvelles conditions.

Les connaissances de l’environnement déterminent les décisions migratoires

La perception de l’environnement et son évaluation agissent sur le comportement des peuls à des niveaux différents. D’une part, les manières d’agir dans la vie quotidienne en sont influencées, d’autre part, le fait d’observer les conditions écologiques se détériorer peut être le motif pour émigrer d’une région.

Face à une intensification de l’agriculture et une aridification croissante dans la savane ouest-africaine, on constate depuis longtemps que les pasteurs nomades migrent vers le Sud. La dégradation des écosystèmes force  la population à partir vers les savanes humides qui constituent avec leurs richesses en pâturages et en eau une région d’immigration.

Chez les pasteurs nomades, le comportement migratoire dépend avant tout de la disponibilité et de la qualité des pâturages. Mais ce sont surtout les changements socio-politiques de la première moitié du vingtième siècle qui a entrainé la descente de ces peuples montagnards dans les plaines.

Migrations causées par des risques, ou risques causés par les migrations?

La dégradation des conditions physiques ou sociales peut être perçue comme risque que l’on peut éviter par une migration. Pourtant, avec cela on peut courir d’autres risques. Une importante ressource des peuls sont les connaissances spécifiques qu’ils possèdent de la région dans laquelle ils habitent.

Puisque toute nouvelle initiative en vue d’optimisation de pâturage comporte des risques, elle n’est en générale guère acceptée, aussi longtemps qu’ils peuvent trouver satisfaction dans leur propre savoir de l’environnement éprouvé au fil du temps.

Dans la plupart des cas, la migration encourt un risque si le troupeau et l’existence sociale sont en danger. En principe il s’agit donc plutôt de migrations de fuite.

L’environnement et son rôle sur l’identité ethnique

Les peuls ont un mode de vie rythmé par les besoins saisonniers de l’élevage et par une utilisation d’un écosystème basée sur les transhumances. Ce mode d’occupation nomade de l’espace et de gestion des troupeaux induit des conceptions singulières de l’environnement naturel.

Cette spécialisation pastorale, avec les choix de vie et d’économies familiales auxquelles elle contribue, concourt à faire du corps un marqueur d’ethnicité. Pour les pasteurs, leur morphologie se caractérise par la minceur voire la maigreur, par une stature élevée, puis par une musculature nerveuse et agile.

Leur morphologie est le fruit d’un ensemble de contraintes physiques, climatiques, écologiques qui s’exercent dès le plus jeune âge sur le corps.

Ces attributs morphologiques s’acquièrent dès l’âge de six ou sept ans lorsque les enfants font un apprentissage des activités pastorales auprès des adultes.

Les enfants pratiquent pendant plusieurs mois un exercice physique régulier en effectuant à pieds plusieurs heures de marche. La posture érigée, liée à l’action de marcher ou à l’activité de gardiennage et de surveillance du troupeau est étroitement associée aux activités pastorales.

Elle relie la mobilité du corps à la masculinité. Cette technique corporelle fait valoir une certaine représentation de l’homme étroitement associée à la promotion de l’idéologie pastorale.

Les contraintes climatiques et technologiques concourent selon les hommes à développer certaines aptitudes corporelles. Cette confrontation au milieu environnemental favorise une endurance corporelle, se reflétant dans la forme.

La minceur corporelle produite par la pratique assidue de la marche est également induite par la frugalité des habitudes alimentaires durant ces pérégrinations.

La faible diversité et quantité des prises alimentaires est pour les pasteurs inhérente à la mobilité pastorale. Comme pour les Peuls Mbororo le sens de la frugalité représente un marqueur de l’identité ethnique peule.

Dans les discours masculins, la mise à l’épreuve du corps durant les transhumances est un gage de bonne santé.

Ces relations entre le corps, une spécialisation socioéconomique et l’environnement naturel concourent à la production d’une morphologie singulière, érigée en symbole d’identification et de démarcation avec autrui.