Pasteurs nomades autochtones

nomades autochtones

Les activités d’extraction minière, lancées par AREVA dans le Nord du Niger il y a 40 ans, auraient dû contribuer au sauvetage économique de la nation. Cependant, les activités menées par AREVA se sont avérées en grande partie destructrices.

Les détonations et le forage dans les mines ont entraîné la formation de grands nuages de poussière. Des déchets industriels et de la boue se sont entassés à ciel ouvert. Et le déplacement de millions de tonnes de terre et de roches contamine les réserves d’eau souterraines.

Des substances radioactives peuvent être rejetées dans l’air, puis s’infiltrer dans la nappe phréatique. Elles peuvent contaminer les sols avoisinant les villes minières d’Arlit et d’Akokan.

Cette pollution endommage l’écosystème de façon permanente. Elle engendre aussi de multiples problèmes sanitaires pour la population locale.

En effet, l’exposition à la radioactivité peut causer, entre autres, des problèmes respiratoires, des malformations à la naissance, des leucémies et des cancers.

Les maladies et les problèmes de santé sont nombreux dans cette région, et le taux de mortalité lié aux pathologies respiratoires y est deux fois plus élevé que dans le reste du pays.

Les pasteurs nomades autochtones, des peuples victimes d’écocide et d’ethnocide

Dans cet article, il s’agit de définir ce que sont les pasteurs nomades autochtones, l’ethnocide et l’écocide qui ont miné et affaiblissent toujours le Sahel. Le but est de faire comprendre à quel point ces populations sont en danger de disparition.

Les populations nomades du Sahel sont- elles des peuples autochtones ?

En Afrique le concept de peuples autochtones pour les pasteurs nomades a été reconnu par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Pour la commission, désigner les pasteurs nomades en tant que peuples autochtones, c’est avant tout un mécanisme permettant d’identifier les problèmes spécifiques qu’ils subissent. C’est un instrument de reconnaissance visant à des rééquilibrages et à des compensations par le biais de l’octroi de droits collectifs.

Ainsi donc la désignation « peuples pasteurs nomades autochtones » en Afrique, présuppose des peuples dont la culture et le mode de vie est totalement différent de la société environnante.  La culture et le mode de vie des pasteurs nomades autochtones sont menacées d’extinction. La survie de leurs modes de vie particuliers dépend de la reconnaissance de leurs droits et de l’accès aux terres pastorales ainsi qu’aux ressources naturelles traditionnelles.

On constate encore, que ces peuples souffrent de « discrimination » parce qu’ils sont considérés comme étant moins développés et moins avancés que les autres groupes de la société africaine de la région. Cet ostracisme du fait de leur mode de vie constitue une violation de leurs droits en tant que peuple et communauté humaine.

La marginalisation de ces populations, menace, leur pérennité en tant que groupe humain, détruit leur culture et mode de vie et les empêche de participer à la prise de décisions sur leur avenir et la forme de développement qu’ils souhaitent.

Rôle des populations nomades dans la préservation de l’environnement

Le pastoralisme est fondé sur des connaissances traditionnelles

Des connaissances spécifiques sont nécessaires pour la bonne mise en œuvre des systèmes pastoraux. Une partie de cette connaissance est tacite, intégrée dans les pratiques sociales et de gestion, dans les institutions et dans les moyens de production.

Les pratiques sociales et les institutions permettent d’établir la confiance et les amitiés. Il existe des systèmes pour nommer et organiser les animaux dans le troupeau. Les pasteurs décèlent aussi les compétences possédées par les animaux. Cette richesse de connaissances explicites ou tacites, est difficile à acquérir et reproduire en dehors du cadre de la culture traditionnelle autochtone.

Les pasteurs nomades autochtones du Sahel, se sont révélés être des gardiens responsables de leurs terres et de leurs ressources depuis des millénaires. Leur culture et leur mode de vie ont survécu et prospéré en s’appuyant sur les connaissances traditionnelles et sur des pratiques de gestion durable des ressources.

Les pasteurs nomades autochtones Touaregs et peuls, les derniers nomades

Les pasteurs nomades et semi-nomades tels que les Touareg, les Peulh et les Toubou sont réputés pour leur extraordinaire aptitude à s‘adapter aux environnements arides et semi-arides.

Pour cela, ils emploient un système complexe de stratégies de subsistance développées au cours des siècles pour répondre aux variations climatiques, aux changements saisonniers et aux périodes de sécheresse.

Nomades, ils se déplacent toute l‘année sur de longues distances à l‘intérieur de territoires bien définis et selon des itinéraires bien connus. Transhumants, ils circulent à certaines périodes de l‘année suivant les pistes de transhumance pour accéder aux aires de pâturage.

La mobilité est pour eux une condition essentielle, car elle leur permet de tirer bénéfice des rares ressources des terres arides et cela d‘une manière de plus en plus reconnue comme un système exceptionnellement bien adapté et durable.

En somme, les pasteurs nomades autochtones du Sahara et du Sahel ont développé un considérable savoir-faire traditionnel en ce qui concerne leur environnement et leurs animaux. Ils savent trouver et maintenir un équilibre entre usage durable et conservation. Pour cela ils choisissent les races d‘animaux les mieux adaptés aux conditions locales ainsi que les espèces d‘herbes et d‘arbustes nécessaires à la santé des animaux.

Le pastoralisme et son mode de vie a une identité fondée sur la nature

Parmi les Touareg, les chameaux symbolisent le prestige, la sérénité et la sécurité, le pouvoir guerrier passé. Les hommes sont identifiés par leurs chameaux et la viande de chameau est par conséquent rarement consommée.

La taille d‘un troupeau est plus importante que la productivité de l‘animal individuel, et parmi les Peulh, par exemple, le nombre de vaches est un signe de richesse. Le cheptel est également important pour la reproduction du système social.

Mondialisation et destruction de l’environnement des pasteurs nomades : écocide au Sahel

L’écocide est défini par l’ONG Stop écocide comme « une destruction et un dommage massifs des écosystèmes — un dommage à la nature qui est étendu, grave ou systématique ».

Au nord du Sahel, les populations touarègues font face à une véritable destruction de leur milieu socioéconomique et environnemental. Avec le développement de l’industrie de l’uranium sur leur territoire, c’est leur capacité à préserver le fondement de leur existence qui risque de disparaître.

Les communautés pastorales mobiles vivant dans les zones arides et semi-arides ont vu  leur droit d‘accès aux aires de pâturage et aux points d‘eau complètement réduit. La limite des cultures est repoussée de plus en plus vers le nord et pénètre dans la zone pastorale, provoquant la désertification des pâturages de grande valeur.

Les Touareg perdent aussi leur territoire de pâturage à cause des industries extractives. Les gisements d‘uranium sont situés dans la région d‘Arlit, qui est par ailleurs une zone de pâturage traditionnel où sont exploités des mines souterraines et à ciel ouvert.

Afin de traiter le minerai et produire de l‘uranium concentré destiné à l‘exportation, les sociétés minières effectuent des pompages massifs d‘eau portant atteinte aux seules ressources hydriques disponibles et non-renouvelables de la zone.

A la perte de terres et de ressources hydriques, viennent s‘ajouter d‘autres conséquences sérieuses tels que les problèmes de santé, la contamination de l‘environnement et de la nappe phréatique.

Au sud du Sahel, le droit des pasteurs à se déplacer et faire paître leurs animaux dans la zone agro-pastorale du sud, est de plus en plus contrarié par le débroussage et l’occupation des terres à  des fins agricoles. C’est ainsi que les nomades Woodabe ont vu leurs terres être accaparées par des cultivateurs sédentaires.

La perte de la culture nomade est un ethnocide programmé

Le pasteur nomade autochtone est un être de culture. Il se définit par son appartenance à une culture. Il construit son comportement face au milieu.

Le terme ethnocide désigne la destruction, l’anéantissement de la culture, de la civilisation, de l’identité sociale d’une ethnie ou d’un groupe humain, sans qu’il y ait nécessairement la volonté d’éliminer physiquement ce groupe.

Cette destruction est mise en œuvre par un autre groupe humain, au moyen de la violence ou bien de la puissance douce (soft power) avec, par exemple, l’introduction de changements économiques, sociaux ou culturels plus ou moins brutaux. (Sédentarisation forcée par exemple)

Synonymes : génocide culturel, acte de décivilisation, assimilation forcée.

Définition de l’Union internationale des sciences anthropologiques et ethnologiques (1983) “toute entreprise ou action conduisant à la destruction de la culture d’un groupe, à l’éradication de son ethnicité ou identité ethnique”.

Cet ethnocide en cours s’inscrit dans une dynamique homogénéisante. En provoquant l’extinction de la diversité culturelle et la culture propre aux populations autochtones, l’ethnocide implique la lente disparition de la spécificité des hommes et des peuples. Il implique la mort de l’humain.

Historique de la colonisation en Afrique de l’Ouest et ses conséquences actuelles néfastes

Pour mieux comprendre cet ethnocide, il convient de connaitre le rôle joué par la colonisation.

Au 19e siècle, l’Occident entre dans une phase de conquête impérialiste. Les colons européens vont coloniser des territoires en Afrique dans le but d’augmenter leur puissance. Pour arriver à atteindre leur objectif, ils vont surtout cibler l’exploitation des matières premières. Les populations des territoires colonisés vont donc devenir des débouchés pour leurs produits.

Ces puissances colonisatrices souhaitent également augmenter leur influence au niveau international. Elles sont mues par un sentiment de supériorité face aux populations des pays colonisés et se croient chargés de la mission de civiliser des peuples qu’elles perçoivent comme étant inférieurs.

Cette colonisation aura des conséquences sur les populations qui seront constamment spoliées et seront victimes de discrimination raciale.

Le processus de colonisation « brutal et violent » a fait place après les indépendances, et de nos jours à un néo-colonialisme pacifique et mercantile. Ce qui est primordial pour le néo-colonialisme, c’est la domination culturelle des peuples vivant dans les aires de son ancienne expansion.

L’agent privilégié de ce néo-colonialisme est précisément l’ethnocide sur lequel nous souhaitons attirer l’attention. On peut définir  ce phénomène, dans un premier temps, comme un génocide culturel, génocide de « bonne conscience ». On peut néanmoins constater combien ces résultats sont tout aussi désastreux que ceux d’une extermination physique.

Depuis la sortie de la deuxième guerre mondiale c’est la culture nord-américaine hégémonique qui prend le relai sur l’ensemble du monde. Cela a alors suscité des débats autour de la question de la diversité culturelle et une convention a été signée à l’Unesco en octobre 2005 pour sauvegarder la diversité culturelle.

Dans sa déclaration pour la diversité des expressions culturelles, l’Unesco inscrit: « Source d’échange, d’innovation et de créativité, la diversité culturelle est, pour le genre humain, aussi nécessaire qu’est la biodiversité dans l’ordre du vivant. »

Cette diversité culturelle est une forme d’expression démocratique qui devrait pouvoir se manifester à travers le monde, puisque « la démocratie c’est aussi la possibilité laissée à l’autre d’exprimer son identité ».

Les conséquences de la colonisation sur les peuples d’éleveurs nomades au Sahel

On retrouve les préjugés sur l’élevage pastoral notés de façon très exacte dans les archives coloniales. Ils se sont souvent maintenus après les indépendances. On les retrouve encore de façon plus ou moins explicite dans bon nombre de positions contemporaines.

L’époque coloniale se singularise par une généralisation du partage territorial en de nombreuses circonscriptions administratives réparties entre les sédentaires, plutôt agriculteurs, et les pasteurs, nomades ou transhumants.

Ces structurations administratives ont fragmenté les grands espaces du pastoralisme. Parallèlement, une politique généralisée d’aménagements hydro-agricoles a écarté les pasteurs des milieux humides, lieux privilégiés de repli en cas de sécheresse.

La mobilité pastorale était jugée par les administrateurs coloniaux et postcoloniaux comme étant incompatibles avec le progrès technique et la politique de développement socioéconomique.

Selon eux, aucune innovation ne pouvait être introduite en milieu pastoral tant que subsisterait le mode « archaïque » de production de l’élevage transhumant.

Pourtant, la mobilité sous diverses formes, permit jusqu’à aujourd’hui aux pasteurs de survivre dans les zones arides ou semi-arides peu productives et de se développer socio économiquement.

Ainsi, l’élevage n’est pas reconnu comme un véritable système de production résultant d’un savoir traditionnel particulièrement pointu pour s’adapter, aux imprévus climatiques et aux conditions d’aridité.

C’est dans ce contexte que de multiples tentatives de sédentarisation forcée ont eu lieu. Cependant, ces dernières ont échoué. Il a donc fallu, après la conquête territoriale, composer avec la réalité vécue dès lors comme une survivance à tolérer mais condamnée à disparaître tôt ou tard.

L’élevage pastoral est perçu comme rival de l’agriculture, laquelle apparaît comme l’activité rurale par excellence. Les cultivateurs sont encouragés, à grignoter progressivement l’espace pastoral jugé démesuré et appelé à devenir résiduel.

Ces deux types de populations ont toujours été complémentaires avant la colonisation. Avec l’arrivée des colons  les agriculteurs sont perçus comme « productifs », et « dociles » alors que les pasteurs sont considérés comme « improductifs et insaisissables ».

Il convient aussi de rappeler que de nombreux groupes pastoraux ont subi de terribles représailles jusque vers 1920 après avoir résisté à la conquête coloniale.