Nomades peuls et touaregs

nomades peuls et touaregs

QUI SONT LES NOMADES PEULS ET TOUAREGS ?

Comment apprendre à comprendre l’univers des nomades peuls et touaregs et s’ouvrir à l’autre ?

Les éleveurs nomades peuls et touaregs vivent dans un monde où les changements s’accélèrent.

Ils ont fait le constat qu’ils vivent dans un monde qui change et qui continue de changer à un rythme qui s’est accéléré.

Quatre aspects influencent les conditions d’exercice de leur élevage :

  • la brousse s’appauvrit du fait des sécheresses répétitives et de la pression sur les ressources naturelles qu’exercent les autres acteurs.
  • la population croît et cette croissance ne manque pas d’avoir des conséquences sur la vie des éleveurs dans une économie qui se globalise.

C’est le devenir de la majorité des éleveurs nomades peuls et touaregs actuels qui risquent de disparaître

Les tendances actuelles de l’élevage productiviste accélèrent le déclin des éleveurs nomades peuls et touaregs traditionnels.

De quoi sera fait demain pour ces nomades peuls et touaregs ?

Les tendances dominantes actuelles privilégient l’essor d’un élevage marchand de type productiviste.

Le devenir de la majorité des éleveurs subsahariens actuels est menacé.

Il leur faut donc réagir, et les leaders et les membres les plus conscients pensent qu’il y a urgence à le faire.

Les éleveurs nomades peuls et touaregs savent qu’ils doivent transformer leur élevage mais ils refusent un élevage et une société qui les marginalise ou les rendent dépendants.

En tout état de cause, il n’y a pas de fatalité, une alternative est possible, et même nécessaire.

Il est indéniable que l’élevage de type industriel vers lequel conduisent les tendances actuelles aura à terme des effets dévastateurs sur l’environnement et la société.

Cette vision alternative en somme, est celle d’ un élevage familial basé sur un mode de production à même d’assurer la sécurité, l’épanouissement et une qualité de vie qui bénéficie à l’ensemble des membres de la famille.

Un élevage où l’on ne produit pas « pour vendre », mais « pour vivre ».

La culture du peul nomade « authentique » : un concept philosophique

Le peul est un être singulier, il cultive une différence qui le caractérise en tant qu’un être singulier.  C’est un individu original, c’est-à-dire unique.

Et c’est en vertu de ce qui différencie un individu de tous les autres que l’individu humain est une « personne ».

Être soi-même, c’est donc obligatoirement être différent des autres, tout simplement en vertu d’une identité propre.

Être soi-même signifie principalement l’on est constitué d’une personnalité, à laquelle on doit rester fidèle, si on désire demeurer authentique.

Le pastoralisme fait du peul, l’homme des grands espaces. Ainsi donc le pastoralisme est un marqueur prioritaire. C’est en s’investissant dans le pastoralisme que le peul incarne son idéal.

Mais son idéal n’est pas tant le pastoralisme, que ce que le pastoralisme lui confère comme qualités qui constitue l’héritage de ses ancêtres.

Diversité des cultures, richesse humaine

La diversité des cultures ne peut être maintenue que par la pérennisation des traditions propres à chaque communauté.

En effet, faire l’épreuve de sa différence permet de mieux se connaître soi-même, et cette épreuve ne peut se faire qu’au contact de ceux qui ne se ressemblent pas.

Être soi-même, c’est à la fois ne pas renoncer à être ce que l’on est – cela suppose l’authenticité – et comprendre que l’altérité de l’autre contribue à forger l’identité de soi-même.

L’identité et l’interculturalité chez les peuples touaregs

Les touaregs opposent au monde de l’intérieur et ce qui est extérieur, étranger, étrange, ce qui n’est pas soi.

Dans la pensée nomade, l’extérieur est à la fois dangereux et stimulant, il oblige toute chose à aller de l’avant, à être mobile, à nomadiser.

La culture et l’identité sont un ensemble de valeurs et de savoirs dont les contours et la forme évoluent en fonction des rapports établis avec l’environnement.

Chez le touareg, l’identité de l’homme social se décline en cinq étapes du proche vers le lointain, de l’intérieur vers l’extérieur. De manière générale, de la famille réduite jusqu’à la société toute entière.

Certains termes sont explicite, par exemple : aghiwen (campement), tawshit (tribu), taghma (confédération de tribus), tégezé (pôle politique regroupant plusieurs confédérations), temust (ensemble de la société).

Tout d’abord, un homme qui ne dépasse pas la tribu (tawshit) et qui ne sait pas gérer ni maîtriser les relations sociales au-delà de sa tribu est considéré comme un homme “à protéger”. Sur le plan collectif, ce palier correspond au statut de “tributaires”.

Un individu qui a du poids sur le plan social doit avoir atteint au moins la troisième  ou la quatrième étape (taghma et tégezé).

En revanche, à la cinquième étape, on considère qu’il est initié dans le sens où il a assimilé, absorbé, le savoir utile pour avoir une identité à l’échelle de la société tout entière et pour la représenter face à l’extérieur.

Il est un être accompli sur le plan social. Son identité (temusa) se confond avec celle de l’ensemble du corps social (temust).

L’homme idéal ou le pasteur nomade

Après le cycle où se construit l’identité de l’homme social, vient le cycle de l’homme cosmique. C’est celui qui sert d’intermédiaire entre entre le visible et l’invisible, entre le connu et l’inconnu, entre le tangible et l’intangible.

Deux figures illustrent l’accomplissement de ce cycle. La première est incarnée par le guerrier initié, le rôle de l’initié sera d’aider les siens à franchir les étapes.

Le deuxième type de “passeur” entre les mondes a une fonction spirituelle : c’est l’aggag (taggagt au féminin), le prêtre de la cosmogonie touarègue, l’intercesseur entre l’immanent et le transcendant.

Le tikruru syncrétisme

Le brassage des cultures chez les touaregs, comporte plusieurs degrés. L’état où ne se produit aucune affinité, aucune interaction, aucune symbiose, c’est celui de la sauvagerie.

Par contre, lorsque certains traits sont empruntés à une autre culture et juxtaposés ou substitués aux siens propres, on devient bagermi.

Ce terme s’applique par exemple à un Touareg qui vit en pays haoussa et mélange les deux cultures sans en avoir encore réalisé une synthèse originale.

Enfin, ceux qui parviennent à accomplir cet amalgame en le métamorphosant en une véritable culture, nouvelle, créative et dynamique, sont appelés tikruru ou tekruru selon les régions.

Cette appellation désigne souvent les Peuls, mais elle ne s’applique cependant qu’à une partie d’entre eux.

Le tikruru synthèse des cultures

Par exemple, les Peuls Bororo qui ont conservé le mode de vie nomade ancien, ne sont pas considérés comme tikruru . Ils sont appelés ifellanen, et perçus comme des frères en révolte.

Cette culture dans les représentations, apparaît commune aux Peuls, aux Berbères, aux Arabes, aux juifs et aux Ethiopiens

L’appellation de “Toucouleurs”, transcrite sous cette forme par les Français, serait elle-même un dérivé du terme berbère tekrur.

Ainsi les termes de Bagermi ou Bagarmi et de Tekrur ou Tikrur apparaissent d’un point de vue touareg comme des concepts identitaires. Ils ne sont ni ethniques, ni géographiques.

Ils se rapportent à des paliers de croisement culturel et à des fonctions d’intermédiaires entre les sociétés.

Cependant, ils ont été donnés dans différents manuscrits arabes anciens, comme des noms propres désignant soit des régions, des territoires et parfois des villes.

Ils désignent aussi des peuples aux contours souvent flous et contradictoires.

La comparaison de ces sources écrites et orales permet de penser que les tikruruten évoqués par les voyageurs arabes du moyen-âge représentent les populations sahéliennes islamisées.

Et tout particulièrement les populations urbaines, qui se trouvent au carrefour de plusieurs cultures et savoirs.

Parmi les cercles culturels les plus proches, figurent non seulement les Peuls, mais aussi les Maures et les Arabes.

Plusieurs paliers de symbioses culturelles marquent ainsi l’ascension vers l’état de tikruru.

Le nomade, un homme accompli

Dans cet état dominent l’esprit d’initiative, l’innovation, la possibilité de comprendre tous les enjeux, la faculté de relier et de souder la mosaïque des peuples d’Afrique.

Mais pour le bon équilibre de l’ensemble, il n’est pas souhaitable que tout le monde deviennent tikruru.

En effet, l’opposition entre soi et les autres est également porteuse de dynamisme.

Si tous devenaient tikruru, autrement dit si les oppositions et les antagonismes culturels s’estompaient complètement, le danger serait d’aboutir, à une marche trop rapide glissante.

L’excès inverse, l’absence de tikruru, conduirait à une égale catastrophe.

Dans ce contexte, il n’y aurait plus de relations entre les cultures, les savoirs, les identités qui se figeraient, se rétréciraient, et finalement s’éteindraient.

Ainsi donc, ces conceptions touarègues spécifiques aux peuples nomades vont à l’encontre des thèses qui tracent entre les cultures, ou les êtres, des frontières infranchissables.

Les pensées des nomades peuls et touaregs sont riches, le Sahel doit s’approprier ces connaissances et mobiliser le dialogue pour construire son unité