PAUVRETÉ CHEZ LES PEUPLES DE PASTEURS
Perception de la pauvreté par les peuls Mbororos
Les peuls Mbororos distinguent deux éléments essentiels dans la définition de la pauvreté, il s’agit de la disponibilité en bétail et en terre perçue comme aire de pâturage.
Les peuls Mbororo sont des pasteurs nomades qui pratiquent un élevage extensif dont les besoins en terre de pâturage sont importants.
Dans certaines régions les Mbororo sont plus ou moins sédentaires, et seuls les animaux effectuent des déplacements saisonniers à la recherche de l’eau et des pâturages. C’est sont pasteurs transhumants.
Ainsi donc, tout ce qui peut porter atteinte à la croissance du troupeau ou limiter l’accès à la terre est un facteur d’appauvrissement.
Au-delà de l’accès à la terre, il est surtout question de la sécurité foncière dont les peuls Mbororos ont besoin.
Pourquoi les peuls Mbororos s’appauvrissent ?
Dans un contexte de croissance démographique et des pressions foncières de plus en plus fortes, les conflits s’aggravent.
Pour les peuls Mbororos, le pauvre est considéré comme étant quelqu’un qui n’a pas un cheptel important et/ou qui ne dispose pas de suffisamment de terre pour faire paître ses animaux.
Dans ces conditions, les jeunes ne peuvent plus se marier et émigrent vers les grandes villes à la recherche d’un travail qui n’est pas toujours facile à trouver.
Les jeunes gens y exercent des petits métiers ou même deviennent tout simplement des vagabonds, alors que les filles se livrent à la prostitution. On assiste alors à une désagrégation du tissu social.
La pauvreté se manifeste aussi par la malnutrition, le faible accès à l’éducation, aux soins de santé, la dégradation des pâturages (invasion par la fougère), l’absence ou le faible accès aux infrastructures d’élevage.
Les conflits accentuent la dégradation de la situation
Par ailleurs les conflits récurrents entre les agriculteurs et les éleveurs, le faible accès à l’eau potable, l’insécurité foncière, la diminution du cheptel, contribuent à cette pauvreté.
Les Mbororos ont aussi identifié les conflits agriculteurs-éleveurs comme étant des facteurs d’appauvrissement.
En effet, en cas de destruction des cultures, même lorsque celles-ci se trouvent sur des aires de pâturage, les dédommagements exigés sont souvent disproportionnés par rapport aux dégâts réellement subis.
De même, lorsque les agriculteurs envahissent les aires de pâturages et détruisent les espèces fourragères plantées par les Mbororo, ce sont eux qui toujours fautifs et appelés à réparer des préjudices qu’ils n’ont pas commis.
Le coût de ces compensations est souvent évalué à plusieurs têtes de bétail.
La diminution du cheptel affecte différemment les hommes et les femmes Mbororos. Les hommes se reconvertissent pour certains en bergers salariés avec pour corollaire des conditions de travail difficiles et des salaires dérisoires.
Chez les femmes Mbororo, la perte du troupeau signifie perte de la principale source de revenus qu’est la vente du lait et du beurre.
Cela se traduit aussi par les déficits alimentaires chez les enfants pour qui la principale source de protéine est justement le lait de vache.
La réduction ou même la destruction du cheptel s’accompagne d’une reconversion des femmes dans les activités agricoles.
Les travaux agricoles ont l’inconvénient d’être pénibles, surtout pour des femmes qui n’en ont pas l’habitude, mais ils contribuent à leur assurer une certaine autonomie financière.
Elles sont en effet maîtresses de leurs productions agricoles et en disposent comme elles l’entendent, ce qui n’est souvent pas le cas des productions animales dont le contrôle est assuré par les hommes.
Stratégies Mbororo de réduction de la pauvreté
Les Mbororo articulent leurs stratégies de réduction de la pauvreté autour de trois éléments essentiels, à savoir la reconnaissance et la sécurisation de leurs droits collectifs d’accès à la terre, la sécurité de leurs personnes et de leurs biens, et l’amélioration des conditions d’élevage.
Si ces trois conditions sont réunies, il va sans dire que les questions d’éducation, de santé, et de sécurité alimentaire s’en trouveront améliorées.
Pour beaucoup de Mbororo, la sécurisation foncière doit aller au-delà de la délimitation des aires de pâturage et consister en l’établissement des titres fonciers individuels et collectifs.
Elle devra aussi aller de pair avec le contrôle de l’expansion de l’agriculture industrielle (culture industrielle) et des ranchs privés, laquelle expansion se fait aux dépens des populations peuls Mbororos.
Actions de développement à mettre en place
De plus, les peuls Mbororo ont identifié un certain nombre d’actions qui sont susceptibles d’encourager et de développer l’élevage bovin extensif tel qu’ils le pratiquent et d’améliorer leurs conditions de vie.
Il d’agit notamment de l’amélioration des pâturages (réhabilitation, enrichissement, etc.). Les Mbororo disposent dans ce sens d’un savoir en termes d’ethnobotanique qui pourrait bien être valorisé.
L’amélioration de la qualité et l’accroissement de la quantité du cheptel par le développement d’infrastructures d’élevage telles que l’approvisionnement en eau, les centres de soins pour animaux, les centres de vaccination.
L’accès aux infrastructures et services sociaux de base dans le respect de leurs modes de vie. Il s’agira par exemple de rapprocher l’école et les centres de santé des communautés Mbororos.
Dans le domaine de la santé, un accent devrait être mis sur les soins de santé primaires et surtout sur la santé de la reproduction pour le plus grand bénéfice des femmes ; l’appui aux activités agricoles qui contribuent à une certaine autonomie financière des femmes.
Dans ce domaine, la diversification des productions et plus particulièrement la culture des légumineuses peut contribuer à l’alimentation en protéine, compensant ainsi les pertes dues à la diminution de la consommation du lait de vache.
Le développement de l’artisanat mbororo est susceptible de valoriser le savoir-faire des femmes et peut contribuer à l’amélioration de leurs revenus, assurant ainsi une plus grande autonomie financière.
Le renforcement des capacités des organisations représentatives des Mbororos afin d’assurer la représentation de ceux-ci dans les processus de prise de décision sur les questions susceptibles de les affecter d’une façon ou d’une autre.