Transmission orale peule

transmission orale peule

La transmission orale peule, la pulaaku : conte et épopée

De quoi est faite la transmission orale peule ?

Chez les peuls, existe une inclinaison pour l’art verbal, qui est profondément ancré et bien partagé, à travers une abondante création littéraire. Le patrimoine immatériel, occupe chez eux une place importante notamment, la transmission orale et la musique. Ce sont des savoirs qui permettent de rester soi-même, au milieu des autres, en dépit de la dispersion due aux migrations.

Le peul investit donc, plus qu’en toute autre chose dans l’exercice de la transmission orale. De par sa fonction essentielle de communication, la parole s’exprime dans toutes les relations sociales. Ses manifestations vont de la formation de jargons populaires à l’expression poétique la plus sophistiquée.

Chez les peuls, c’est donc dans la littérature orale que s’expriment leurs représentations essentielles. Ce sont les poèmes pastoraux, les épopées, les contes, les satires qui ont le privilège de raconter le destin des hommes et femme peuls. L’importance que les peuls attachent au phénomène artistique, se manifeste surtout travers la recherche du langage soigné. Une étiquette subtile règle les attitudes ainsi que le goût profond pour la poésie, la musique et le chant.

Le conte peul joue un rôle non négligeable dans la transmission orale

Comme la diversité de style le laisse percevoir, la littérature orale revêt un intérêt particulier. En ce qui concerne le conte, toutes les sociétés conviennent de sa fonction évidente de divertissement. Le conte joue aussi un rôle essentiel dans l’éducation, la transmission de la culture et dans la perception du monde.

On considère aussi que le conte développe l’intelligence dans la mesure où il fait appel à des pratiques capables de développer la mémoire. Le conte apprend aux enfants les règles de la vie en société et les instruit du monde naturel.

Au travers des contes sont exprimés des idées, des sentiments, qui ne peuvent pas apparaître franchement dans les échanges courants. Les contes permettent de dénouer certaines tensions sociales, d’atténuer des conflits, d’aborder avec moins de passion les problèmes dans les relations familiales.

L’épopée, un patrimoine littéraire peul, fondateur d’identité

L’épopée la plus connue, celle de Boubou Ardo Galo constitue l’articulation entre la période antéislamique et l’époque islamique. Boubou Ardo Galo est un personnage qui concentre toute l’équivoque de cette situation, Cette saga génère un succès immense tout à fait paradoxal. Boubou Ardo Galo incarne en effet la résistance à l’islam et la fidélité à la pulaaku, et pourtant il engendre un enthousiasme qui ne faiblit pas chez les Peuls. Destinées au public peul, cette épopée garantit à Boubou Ardo Galo, le statut de héros épique, représentant de la pulaaku.

C’est une épopée que l’on chante partout où résident des populations parlant peul tant nomades que sédentaires, depuis la Mauritanie, jusqu’au Mali oriental. Ce texte prend sa source au Fuuta Tooro, dans le royaume fondé par les Peuls Denianke au XVIe siècle, sur le territoire du Tekrour.

C’est dans cette région que depuis le IXe siècle, se formèrent et se succédèrent des États qui rivalisèrent avec l’ancien royaume du Ghana. Une structure sociale et politique cohérente s’élabora qui inspira celle des autres royaumes africains d’alentour jusqu’à la conquête coloniale.

Ainsi, une conception du pouvoir, du travail, de la religion, et de la propriété a marquée profondément l’histoire et la conscience des peuls de ces régions ce qui explique ses résistances à certains aspects de la modernisation.

Quel est l’objectif souhaité par les textes de cette épopée ?

Le texte de l’épopée réactualise une identité idéologique, fondatrice d’unité collective. Il s’agit de rechercher l’exaltation qui pourrait en découler. C’est pour obtenir cette exaltation du public que sont mises en œuvre les nombreuses ressources textuelles et musicales de l’épopée.

Sa finalité est de fabriquer un savoir unificateur porteur des valeurs idéologiques du groupe, dans une forme capable de rendre ce savoir dynamique. En entrainant son auditoire à prendre conscience de son identité distinctive, l’épopée l’incite à réaliser cette identité.

Ainsi donc, l’épopée peule véhicule la pulaaku, la manière d’être du peul. Ce sont les chefs arBe qui, à la tête des hordes semi-nomades, d’avant l’islamisation, qui en sont les héros. Personnage rebelles à toute domination, ces arBe cultivaient jusqu’à l’excès l’esprit d’indépendance et l’attachement au groupe.

L’épopée est déclamée par les griots qui s’accompagnent au luth. Elle se compose de suites d’épisodes construits pour mettre en valeur le héros dont les actions ne font qu’illustrer le caractère de l’une ou l’autre des vertus cardinales de la pulaaku.

Cependant, il faut noter que ces héros ne sont que des archétypes ; et comme tout archétype, ils sont des symboles dont seule compte la puissance d’évocation.

L’épopée peule est marquée, par une forte intériorisation. Le but de l’action épique se réduit souvent à un trait de caractère ou une attitude comportementale estimée comme constitutifs de l’identité peule.

Comme tout peuple nomade,  les multiples dispersions et migrations, le contact avec des populations différentes et nombreuses, les peuls ne pouvaient sauvegarder leur identité qu’au niveau d’une idéologie individuelle.

Cette idéologie se traduit par un souci permanent de se démarquer des autres, en cultivant sa spécificité.  Ainsi tout peul s’identifie à cette idéologie et a ses valeurs qui sont aussi celles partagées par toute la communauté.

L’épopée est, chez les Peuls, l’apanage des griots maabuuBe, qui sont par ailleurs des tisserands. Les peuls dans leur société nomade traditionnelle, n’ont pas de caste d’artisans. Bien que  les griots soient considérés  comme non-peuls, ils sont néanmoins reconnus comme détenteurs du patrimoine épique peul.