Jeunes éleveurs et migration

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PARCOURS DES JEUNES ELEVEURS

Les jeunes issus du milieu pastoral n’aspirent pas forcément à quitter le mode de vie pastoral; mais leur accès au statut d’adulte ne passe plus uniquement par la pratique de l’élevage.

Pour les jeunes, le but de la migration en ville est de gagner leur autonomie en dehors du troupeau familial; tout en contribuant à la sécurisation de l’économie de la famille.

Devenir adulte au sein des sociétés pastorales

Dans les sociétés pastorales le processus d’autonomisation est souvent défini par l’accès à l’emploi, au mariage et à une résidence autonome.

Pour les jeunes, l’enjeu est de pouvoir gagner leur autonomie en dehors du troupeau familial, tout en contribuant à la sécurisation de l’économie de la famille, qui reste une condition pour se voir reconnaître un statut d’adulte.

L’orpaillage et le salariat agricole et pastoral dans la sous-région sont sans doute aujourd’hui les principales formes de mobilité des jeunes gens.

Mais la ville joue aussi un rôle structurant dans ces nouveaux parcours d’accès au statut d’adulte.

La place des villes dans les nouveaux parcours des jeunes éleveurs

L’intégration aux milieux urbains fait partie de la réponse que les sociétés pastorales cherchent à donner aux changements de structure au sein de l’organisation sociale familiale autrefois fondée prioritairement sur le bétail.

Au Burkina Faso, les familles pastorales font preuve d’un intérêt croissant pour la scolarisation de leurs enfants, vue comme le moyen de diversifier leurs économies et d’améliorer leur niveau de vie.

Dans les familles les plus pauvre, la ville devient l’unique horizon des jeunes. L’intégration aux milieux urbains transforme profondément les identités, les visions.

La ville est aussi le lieu où les jeunes éleveurs font l’expérience du service public, de la vie associative et de l’engagement militant. Les parcours des jeunes témoignent de la nécessité pour les familles pastorales de  pouvoir exercer leur citoyenneté

On trouve deux types de discours sur la migration des jeunes.

Pour certains, le maintien des jeunes éleveurs dans les campements et dans la sécurisation des systèmes pastoraux, suppose de développer l’accès aux services de base dans les campements.

Pour d’autres, l’enjeu serait dans la sédentarisation des systèmes pastoraux vue comme une condition d’accès à la citoyenneté (scolarisation, représentation dans les instances de pouvoir).

En fait, les familles pastorales ont aujourd’hui autant besoin de mobilité pastorale que d’ancrage territorial, qui n’est pas synonyme de sédentarisation des systèmes pastoraux.

En s’insérant en ville, les jeunes n’abandonnent pas l’élevage, ils jouent un rôle nouveau dans les économies pastorales.

S’il est vrai que ces jeunes ne travailleront plus dans l’élevage, ils continueront dans la plupart des cas à entretenir leur appartenance à la famille élargie et au groupe, par des transferts de liquidité.

Les jeunes éleveurs comme passerelle entre tradition et modernité

Les jeunes éleveurs urbains font le pont entre les campements et les villes, qui sont aussi les lieux où les institutions de l’État et de l’aide internationale sont le plus accessibles.

L’accès à ces institutions pour les jeunes permet en retour d’améliorer la sécurisation de l’accès aux ressources pastorales et aux services de base, et plus généralement, la reconnaissance des droits.

L’accès à l’éducation, depuis l’éducation de base jusqu’à l’enseignement supérieur, constitue un élément déterminant des parcours d’insertion.

Au Sahel, les jeunes font l’expérience, du service public depuis le village jusqu’au collège, au lycée et à l’Université qui les conduisent en ville.

Les systèmes de formation sont en décalage avec les réalités économiques et ne répondent pas aux aspirations et aux besoins des jeunes, en particulier en milieu rural.

Par ailleurs l’offre de formation reste centralisée dans les grandes villes et les contraintes d’accès sont fortes (frais de scolarité, niveau scolaire préalable attendu, filières de formation proposées, maillage du territoire, etc.).

Ces éléments constituent des barrières importantes à l’inclusion des jeunesses rurales dans les programmes de formation, y compris quand les jeunes sont déjà en ville.

Les associations de quartier et les organisations de la société civile  offrent aux jeunes des services de base particulièrement utiles: logement d’urgence, nourriture, mise en réseau de ressortissants, orientation (travail), parrainage et accueil d’étudiants.

On retrouve aussi des programmes d’appui à la jeunesse pastorale portées par les projets d’aide au développement

C’est le cas par exemple du Programme Régional d’Appui au Pastoralisme au Sahel (PRAPS) avec le développement d’AGR pour les femmes et la mise en place de formations pour les jeunes (par ex. auxiliaires d’élevage).

Ces projets font de l’employabilité des jeunes un objectif important, toutefois, les fonds consacrés à la formation professionnelle et à l’entrepreneuriat des jeunes dans ces projets demeurent faibles.

D’autres projets d’ampleurs diverses (des micro-projets associatifs aux projets de sécurité alimentaire et de développement de filières) offrent aux jeunes des opportunités de formation professionnelle dans des domaines jugés porteurs, tels que notamment la transformation des productions agricoles et pastorales.

De manière générale, le caractère ponctuel de ces activités, leur manque de coordination, leur dépendance à des financements extérieurs, ainsi que leur faible implication dans le financement et le suivi des projets d’installation des jeunes sont autant de facteurs qui en limitent l’impact sur la jeunesse.

Accompagner les mobilités plutôt que les endiguer

Les mobilités sont des processus complexes porteurs de risques mais elles sont aussi porteuses d’opportunités.

Il est important de reconnaître que les mobilités des jeunes correspondent à des changements  dans les systèmes de production, qui peuvent apporter des transformations positives des systèmes d’élevage lorsque les jeunes migrants maintiennent les liens avec la famille et la communauté d’origine.

Les migrations vers la ville ne sont pas uniquement le fait des jeunes des familles pastorales pauvres, même si ces situations sont réelles et méritent un accompagnement spécifique.

Considérer que les jeunes sont «perdus pour l’élevage» parce qu’ils ne reviennent pas travailler au campement après plusieurs années passées en ville, c’est masquer le rôle que jouent les jeunes insérés en ville dans l’économie pastorale.

En faisant le pont entre les campements et les villes, qui sont aussi les lieux où les institutions de l’État et de l’aide sont plus accessibles, ces jeunes contribuent en retour à améliorer la sécurisation de l’accès aux ressources pastorales et de l’accès aux services de base.

Penser les jeunes non seulement comme des travailleurs mais aussi comme des citoyens

Les familles pastorales, et les jeunes générations en particulier, ont besoin de se voir reconnaître le droit à allier mobilité pastorale et ancrage urbain et national.

Cela suppose de reconnaître à ces jeunes un ensemble de droits civils, et notamment le droit à la mobilité.

Les violences des groupes armés et les réponses qu’y apportent les États et leurs partenaires mettent aujourd’hui à mal ces mobilités, hypothéquant l’insertion sociale, économique et politique de toute une génération et nourrissant un sentiment diffus de peur et de déni de citoyenneté.

Remettre en cause l’idée selon laquelle «les départs des jeunes des campements provoqueraient une crise de l’élevage revient à ne considérer les jeunes que comme travailleurs alors que c’est aussi comme citoyens prenant part à la vie publique qu’ils sont «utiles» pour leurs familles et leurs groupes socioculturels.

Notre association veut accompagner la jeunesse pastorale en référence aux dynamiques pastorales : notre axe d’intervention est de faire reconnaître la place les enjeux du pastoralisme.