Sédentarisation des nomades

sédentarisation et pauvreté

SÉDENTARISATION ET PERTE DES VALEURS NOMADES

L’histoire de la sédentarisation des nomades malgré les stratégies de résistance et de survie, est désormais dominée par plus de fixité dans l’espace, déterminant à la fois le mode de production et les échanges.

Aujourd’hui, le constat s’avère drastique car la proportion de nomades parmi les populations sahélienne a beaucoup chuté, y compris dans les pays où la majorité est de souche nomade.

Face à une succession de sécheresses, aux difficultés économiques marquées et enfin la persistance de conflits armés, le changement social subi par les anciens nomades finit par  représenter une véritable mort.

« Maintenant, ils (les nomades) sont peu à peu chassés du désert et poussés vers les villes où les qualités qui faisaient jadis leur grandeur sont dévalorisées. Aujourd’hui ce n’est pas la mort, mais la déchéance, qu’il leur faut affronter. » (Thesiger, 1978 : 8).

Colonisation, destruction des parcours pastoraux et sédentarisation

Avec la pénétration coloniale, les parcours pastoraux ont été réduits par la mise en culture, la réalisation d’infrastructures et le contrôle administratif.

La mise en culture et les travaux d’irrigation ont contribué à chasser les nomades de leurs meilleurs pâturages, précisément ceux qui offraient le meilleur refuge en cas de sécheresse.

Les villes ont conquis l’espace en empiétant sur des pâturages et, surtout, en captant à leur profit les ressources en eau les plus abondantes.

Dévalorisation de la vie nomade

La dévalorisation d’un mode de vie – car le savoir-faire des éleveurs nomades n’entre pas dans la logique du marché – a conduit à l’oubli d’un savoir-faire ancestral qui leur a permis de survivre face à l’adversité des zones semi-arides.

Leurs stratégies s’appuyaient sur la réserve formée par les troupeaux et la limitation des groupes humains, afin de préserver un équilibre entre l’homme, le bétail et les ressources naturelles.

Le résultat est que beaucoup de pasteurs perdent peu à peu les vertus de résistance et de frugalité indispensables et les techniques de l’élevage : connaissance du temps, du pays, des pâturages, science du forage des puits et de la traque des animaux, etc.

Cet appauvrissement moral et professionnel s’ajoute à l’appauvrissement économique.

Désormais, le nomade n’a plus le choix, sachant que son savoir-faire, ses connaissances techniques de « broussard » se retrouvent subitement dévalorisés en milieu urbain.

Une fois les troupeaux perdus, les nomades sont condamnés à vendre leur force de travail, en échange d’argent qui constitue leur unique moyen de subsistance.

La diversification des sources de revenus est devenue une nécessité pour éviter un appauvrissement généralisé des groupes nomades.

Cela abouti à des diverses formes de situation tel que le  semi-nomadisme, on trouve quelquefois des nomades en situation de clochardisation où un grand nombre en sont réduits à la mendicité.

Dépendance et sédentarisation

De tout temps, les nomades ont été insérés dans un système économique tissant des réseaux complexes d’activités différenciées, exploitant des ressources variées à l’intérieur desquelles la mobilité, la flexibilité et l’échange ont toujours joué un rôle essentiel (Lancaster, 1993).

Habituées aux mouvements saisonniers, ces populations ont longtemps oscillé entre des activités réputées sédentaires et le pastoralisme nomade.

Au fur et à mesure que les revenus attachés au commerce caravanier déclinaient, que l’espace leur échappait par les mutations de la propriété du cheptel et les enjeux fonciers autour des principaux points d’eau, le travail « sédentaire » est devenu vital.

De son côté, l’élevage est passé d’une économie de subsistance, où la part de l’autoconsommation demeurait suffisante à assurer l’approvisionnement du groupe à une production plus intensive tournée vers la commercialisation d’un nombre croissant de têtes de bétail (ranching).

Cette situation est à l’origine de la multiplication des troupeaux très larges, un facteur de pression accrue sur l’environnement qui, en retour, n’est pas sans influer sur le caractère récurrent des périodes de sécheresse et de disette.

Le développement des transports motorisés a accru la mobilité immédiate au détriment des mouvements lents de la transhumance à la recherche de pâtures et d’eau, deux ressources désormais accessibles à tout moment pour ceux qui disposent de revenus leur autorisant l’emploi de véhicules et des achats de fourrage.

Par ailleurs, le forage de puits profonds dotés de margelles en maçonnerie et faciles d’accès a également contribué à réduire la mobilité saisonnière. Désormais, le bétail n’est plus obligé de transhumer d’un point d’eau à un autre.

C’est ainsi que la propriété du bétail glisse entre les mains des sédentaires et des commerçants les plus influents qui, par la même occasion, renforcent leurs réseaux de clientèle.

Le déclassement des nomades atteste de la rupture irrémédiable d’un mode de vie ancestral, parfaitement adapté au terrain, face à une modernité caractérisée par la capacité d’adaptation au marché.